dimanche 23 novembre 2014

Distinction entre classe dominante et classe dirigeante.

Etant donné la confusion qui règne autour des concepts de classe « dominante » et « dirigeante », voici quelques réflexions permettant, je l’espère, de bien distinguer l'une de l'autre. Cette distinction est importante en ce sens que la classe dirigeante, principale cible de la contestation, n'est jamais que l'outil et le fusible de la première, fonctions destinées à servir et protéger les détenteurs du véritable pouvoir.



Il est en effet courant d’entendre les « indignés » de tous bords poursuivre de leur vindicte les PDG, les politiques, les journalistes en semblant ignorer que tout ce petit monde n’est autre que la cour d’un adversaire bien plus redoutable : la classe dominante. Or, pendre le majordome n’a jamais étouffé le châtelain!... 

Si cette stratégie n’est pas  rédhibitoire en soi, et ces lignes n’ont évidemment pas l’intention de disculper quelque second couteau que ce soit, elle occulte néanmoins les véritables causes de la faillite de notre système : la cupidité de quelques super riches hyper influents, ceux que les militants d’« Occupy Wall Street » appellent les « 1% » (1)… en amalgamant toutefois dominants et dirigeants.

CLASSE DOMINANTE

Les critères permettant de décompter les maîtres ultimes du libéralisme mondialisé peuvent toujours être sujets à caution  mais il tombe toutefois sous le sens que le haut de la pyramide du pouvoir réel n’est constitué aujourd’hui que des très grandes fortunes. Si nous plaçons le curseur au niveau du milliard de dollars, en 2014 nous comptions 2.325 milliardaires de par le monde. Cette évaluation ne correspond bien entendu qu’à la fourchette basse, cette catégorie d’homidés n’ayant pas pour tradition de travailler dans la transparence, mais soit…

Comparer ce chiffre à la population mondiale estimée fin 2014 à environ 7 milliards d’individus toutes générations confondues oblige à évaluer la population d’ultras privilégiés dans les mêmes conditions, au-delà des seuls chefs de clan. Si dès lors, de façon tout à fait arbitraire, nous comptons en moyenne deux personnes jouissant des mêmes privilèges que chacun des « patriarches » (conjoints, descendants, etc…) nous obtenons alors près de 7.000 milliardaires ou apparentés sur 7 Mds d’êtres humains, soit 0,000001 % , un pour un million.

Cette estimation, dénuée de toute prétention scientifique, vaut ce qu’elle vaut et n’a pour objectif que de mettre en évidence la très faible proportion des grands prédateurs du XXIème siècle au prorata de la population. Si les paramètres pris ici en considération sont tout à fait discutables, les remettre en question ne changerait le résultat qu’à la marge : retirer un, deux ou même trois zéros à 0,000001 ne change pas grand-chose au caractère confidentiel de cette engeance.

CLASSE DIRIGEANTE

Beaucoup plus fournie est la classe dirigeante. La structure du pouvoir pyramidale est toujours la même : peu d’élus et multiples servants. Composée des principaux responsables économiques, politiques et médiatiques, elle est à distinguer de  la classe moyenne supérieure ne fréquentant pas les principaux cercles décisionnaires. Alors qu’elle compte dans ses rangs des capitaines d’industrie, des énarques, des grands commis de l’Etat, des PDG ès média, des technocrates et autres faiseurs d’opinion touche-à-tout, ses représentants ayant pour la plupart fréquenté les mêmes grandes écoles (en France l’ENASciences PoPolytechnique ou HEC),   les « petit-bourgeois » et assimilés ont quant à eux des fonctions plus modestes même s’il arrive parfois que leurs revenus soient relativement conséquents. Quelques entrepreneurs, sportifs et artistes servent ainsi opportunément d’exemple pour convaincre, tant que faire se peu, du bon fonctionnement de l’ascenseur social, donc de l’équité de nos institutions. 

Le pouvoir de la classe dominante repose sur la politique qui le justifie, les médias qui le mettent en scène et l’économie dont il se nourri. Investir dans ces trois domaines complémentaires constituant le corps même de la classe dirigeante lui est vital. Dans la politique il soutient plus ou moins discrètement tel parti ou personnalité en vue d’un retour sur investissement sous forme de lois ou postures à l’international favorables à ses affaires. Les réseaux médias lui permettent pour leur part de porter la parole de ceux qu’il aura mis en place, de populariser ses normes consuméristes ainsi que le « prêt à penser » de ses think tanks. L’économie enfin, cœur de son logiciel, portée par les grandes entreprises, les banques et les agences de notation dont il contrôle les conseils d’administration ainsi que par les marchés financiers dont il maitrise globalement les cours (bien qu’évidemment il s’en défende), lui assure des revenus dont les chiffres officiels ne reflètent en rien la réelle démesure.

La classe dirigeante s’atèle d’autant mieux à sa tâche qu’elle bénéficie des largesses de ses maîtres : émoluments très confortables, parachutes dorés, carrière assurée tant dans le privé que dans le public et pléthore d’avantages divers et variés… Le prix de cette aisance n’est autre que la servilité dont elle se doit de faire preuve. Associée à la classe dominante par ces liens de sujétion elle compose avec celle-ci les « 1% » de la population dénoncés par les « Occupy Wall Street » mais ne nous leurrons pas, la fortune de ses membres n’est en rien comparable à celle de leurs donneurs d’ordre qui, à la faveur du libéralisme triomphant, ont érigé des empires à faire pâlir d’envie les plus gâtés des aristos d’avant 1789. 

RESTE …

Reste 99% de la population, ensemble relativement hétérogène comprenant la petite bourgeoisie commerçante ou rentière, les professions libérales, le prolétariat,  le sous-prolétariat, mais aussi les étudiants, les chômeurs, les retraités etc…, en d’autres termes le peuple dans toute sa diversité qui aujourd’hui subit la crise et cherche à en trouver causes et responsables. 

L’étanchéité étant assurée entre la classe dominante et le peuple, ce dernier ne décolère pas contre la classe tampon sensée décider. Les « banksters », les « politicards », les « merdias » sont accusés de tous les maux tandis que leurs seigneurs et maîtres sont superbement ignorés. Bien rarement par exemple sont dénoncés les Soros, Rothschild ou autres Mulliez sur les réseaux sociaux ou ailleurs, on leur préfère les banques, les gouvernements (2) sinon les simples journalistes accusés de toutes les forfaitures. 

Mais hélas cette colère est souvent récupérée et retournée contre nos propres compagnons d’infortunes que sont les fonctionnaires, certaines minorités ou les principales victimes de la déliquescence libérale que sont les chômeurs et les immigrés. Pendant cela la nouvelle aristocratie se gave comme jamais et se paie même le luxe de préparer une guerre mondiale dont les victimes ne se compterons pas dans son camp mais dans le nôtre.

COMMENT FAIRE ?...

Le problème, NOTRE problème réside dans le fait que nous n’appréhendons que trop rarement, sinon jamais, la situation globalement, que nous nous en prenons trop facilement aux pseudo-coupables qui nous sont donnés en pâture ou même que nous endossons individuellement la responsabilité du délabrement de notre société, persuadés que nous ne pourrons changer les choses que si nous changeons nous-mêmes. Avec de telles approches la grande bourgeoisie peut dormir tranquille ! 

Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux (3) et nous ne pouvons nous redresser tant que nombre d’entre nous croient encore en leurs vertus prétendues. Harceler la classe dirigeante sur divers fronts est certes nécessaire mais loin d'être suffisant, les signataires de redditions ne sont jamais les sous-fifres. C’est la classe dominante qu’il nous faut abattre et, pour cela, détruire son idéologie « méritocratique », digne héritière du « droit divin ». Il nous faut pour cela convaincre le plus grand nombre de la nocivité de cette classe et permettre ainsi de la destituer. En attendant, la grande bourgeoisie canalise nos révoltes contre leurs chiens de garde sensés tout régenter alors qu'elle est la seule et unique à décider du sort de la cité.


1) L'origine de l'appellation "1%" vient du surnom attribuée par l'American Motorcycle Association au gang des motards , les "Bandidos", suggérant ainsi que 99% des bikers sont quant à eux tout à fait respectueux des lois.
2) Même un Obama doit son poste aux financements de la classe dominante.
3) Il s'agirait d'une phrase de Pierre Victurnien Vergniaud prononcée lors d'un de ses discours en 1792. La citation est par ailleurs apocryphe ; voici la version originale : « Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous ! »



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